Quelques créations publiées par nos voisins belges sont devenues tout aussi célèbres en France que la star Tintin. Parus tous deux dans le journal de Spirou qui publiera plein de BD devenues des classiques comme Lucky Luke, Buck Danny, Jerry Spring, Tif et Tondu, Johan et Pirlouit, Les Schtroumpfs, Benoît Brisefer, Boule et Bill, Gil Jourdan, Natacha, Yoko Tsuno, Le Scrameustache, Les Tuniques bleues, Papyrus, Les Petits Hommes, Docteur Poche, L'Agent 212, Les Femmes en blanc, Pierre Tombal, Cédric, Les Psy, Kid Paddle, Jérôme K. Jérôme Bloche, Seuls...
Mais détaillons les deux têtes d'affiche qui ont un auteur commun Franquin.
Spirou:
Associé aujourd'hui à Franquin, Spirou n'est pourtant pas son personnage. Il a été créé avant lui et a eu une première vie mouvementée et changeante.

Les intrigues s'inscrivent dans la lignée des clichés du roman populaire (le gamin débrouillard face à l'adversité, les héritiers qui s'entredéchirent, le fils de milliardaire enlevé) et de la science-fiction (le voyage interplanétaire, l'homme invisible). Spirou est un gamin dégourdi censé être à l'image des enfants de l'époque, lectorat visé par les éditions Dupuis.
La logique de l'intrigue est souvent mise à mal par les passages de relais : ainsi Jijé, lorsqu'il reprend le personnage en 1940, en pleine péripétie du fils du milliardaire, se montre peu inspiré par cette histoire à rallonge de Dumoulin et bâcle l'épisode en une planche pour faire de Spirou une vedette du cinéma américain avant de l'envoyer… au pôle Nord.
Repris par Rob-Vel dès 1941, le personnage continue de voyager et fait la rencontre de son premier grand compagnon, un habitant d'Afrique Noire nommé la Puce. En ces heures sombres de l'Occupation nazie il est de bon ton dans les illustrés de prendre l'option « dépaysement ». Hergé envoie son Tintin sous l'eau à la recherche de la Licorne, Rob-Vel envoie son Spirou sur la planète Zigomus.
On retient du Spirou de Rob-Vel l'écureuil Spip, ainsi que ses habitudes de globe-trotter, mais surtout son costume de groom qui sera ensuite conservé par les auteurs successifs de la série, bien que la profession d'origine du héros ne joue plus aucun rôle.

Joseph Gillain reprend le personnage à partir de 1943, après que Rob-Vel a définitivement abandonné la série. Il fait vivre à son héros de courtes aventures et lui adjoint un équipier loufoque, Fantasio, afin de contrebalancer le sérieux du personnage. La série Spirou et Fantasio est née.
En 1947, Spirou est pris en charge par Franquin, auteur aujourd'hui célèbre, qui révolutionne le graphisme et l'univers de la série. Les aventures de Spirou deviennent désormais beaucoup plus longues et les trois héros sont rejoints par une galerie de nouveaux personnages. On notera bien évidemment le Marsupilami, qui restera en leur compagnie durant toute cette période, mais aussi la jeune journaliste Seccotine, ainsi que le comte de Champignac, qui restera un peu le grand-père de cœur des deux héros. On note aussi l'arrivée d'ennemis récurrents tels que le maléfique cousin de Fantasio, Zantafio, ou le savant irresponsable et mégalomaniaque Zorglub, ainsi que de lieux marquants : le village de Champignac et son château, ou la Palombie. Au début, vivant dans des logements séparés, Spirou et Fantasio s'installent en commun dans une maison.

Psychologiquement, le personnage de Spirou perd de sa bonne humeur tandis que ses aventures deviennent plus sérieuses. Outre le fait qu'il ne fume pas, il fait preuve d'un altruisme encore plus marquant que son concurrent Tintin : Spirou estime qu'il est de son devoir et de celui de ses compagnons de combattre les bandits et de renverser les méchants.

C'est ainsi que les lecteurs de Spirou voient se superposer trois projets bien distincts sans explication.
Cependant, le projet de Chaland n'est pas retenu, et Nic et Cauvin, dont les récits apparaissent simplistes, apportent peu à la série.
Dès lors, Dupuis décide, à la suite d'une intervention de Franquin, de confier le personnage au tandem Tome et Janry, qui impose l'abandon de l'idée de studio et exige le contrôle du personnage


Morvan et Munuera ont assuré la destinée du groom de 2004 à 2008. Après quatre albums, le duo, remercié pour incompatibilité artistique, est remplacé par une nouvelle équipe.


Le 25 avril 1957, un communiqué de Fantasio, autre personnage de Spirou, tente d'éclaircir la situation aux lecteurs : Gaston a été recruté par une personne dont il ne se rappelle pas le nom, mais il demeure persuadé qu'il a été embauché pour un travail de héros de bande dessinée. Ne pouvant être intégré dans une série du Journal de Spirou, il devient alors le premier « héros sans emploi ». Il est par la suite représenté comme un employé de la rédaction.

En tant qu'employé au Journal de Spirou, Gaston travaille au départ avec Fantasio. Le personnage de Spirou fait également quelques apparitions épisodiques. Mais, à partir de 1968, Franquin, qui a confié la série Spirou et Fantasio à son successeur, va les remplacer par des personnages propres à l'univers de Lagaffe.
C'est désormais Léon Prunelle qui va subir les gaffes de Gaston. Barbu, portant de grosses lunettes et fumant la pipe, il devient célèbre avec son juron « rogntudjuuuuu ! » (déformation de l'expression « Nondidju », signifiant « Nom de Dieu » en wallon, dont la quantité de u est en adéquation avec l'incongruité de la scène et le niveau d'énervement de l'intéressé). Franquin inventa cette exclamation en raison de l'impossibilité à l'époque d'utiliser un vrai juron dans une bande dessinée destinée à la jeunesse.

Il a quelques amis, tels que Bertrand Labévue, Jules-de-chez-Smith-en-face, Gustave, Manu, et son ami dessinateur. Certains personnages ne l'aiment pas vraiment, comme Mélanie Molaire, la dame de ménage, M. Boulier le comptable, Ducran et Lapoigne ainsi que M. de Mesmaeker avec lequel il signera quelques contrats (Cosmo coucou et la soupe de poisson) mais fera échouer régulièrement la signature de mystérieux contrats avec Fantasio puis Prunelle.


Dans le domaine alimentaire, Gaston affiche d'une part une attirance pour une série de produits populaires et peu élaborés (sardines à l'huile, pilchards, saucisses en boîte, crêpes…) dont la consommation ou la préparation s'effectue bien sûr au détriment de son travail de bureau, et parfois même au péril de son entourage (explosions et incendies divers). Là aussi, les tentatives réciproques de Gaston pour parvenir à ses fins, de Fantasio et plus tard Prunelle pour l'en empêcher, donneront lieu à de multiples variations.
D'autre part, il pratique en toute bonne foi une cuisine expérimentale et qui se voudrait gastronomique (morue aux fraises, cabillaud à l'ananas) mais qui ne parvient qu'à susciter le dégoût et entraîner divers états pathologiques dans son entourage, à l'exception de lui-même, de quelques amis et ouvriers de passage.
Passionné de musique, il pratiquera plusieurs instruments au cœur même du bureau, avec un succès variable, son instrument de prédilection étant un trombone à coulisse. Il inventera également un redoutable instrument à cordes dont l'utilisation provoque instantanément l'écroulement des murs et l'effondrement de la façade de l'immeuble du journal : le gaffophone, qui deviendra ultérieurement le gaffophone électrique.
Malgré la gravité des gaffes qu’il a commises dans les locaux du journal de Spirou, Gaston n’a aucune conscience des risques et des conséquences de ses actes, il a la mauvaise habitude de ne pas admettre ses fautes, ce qui fait déclencher les colères de Fantasio et de Prunelle.

Au-delà de ces personnages récurrents, les animaux sont très présents dans les planches de Franquin, y compris les plus exotiques : éléphant, lion, tortue, perroquet... Gaston apparaît sensible, il adore les animaux et se porte régulièrement à leur secours. Il lui arrive ainsi de recueillir des chatons abandonnés, de sauver une dinde de Noël ou même de récupérer un homard dans un restaurant pour lui éviter de finir ébouillanté. Fort logiquement, il a une profonde aversion pour les chasseurs.
